Un communiqué de Gérard
Un chasseur a déposé plainte pour destruction de biens d’autrui. Mais les terriers appartenaient aux… lapins.
Les tribunaux correctionnels jugent toutes sortes d’affaires, de l’agression sexuelle au vol avec arme en passant par l’escroquerie internationale.
À l’occasion, c’est plus rare, des histoires de terriers de lapins. Celle-ci n’est pas piquée des hannetons.
Elle se trame à l’orée d’un bois des Touches, près de Nort-sur-Erdre.
Les lapins y ont trouvé une terre sablonneuse idéale pour y proliférer, comme on le sait, joyeusement.
« Et le détenteur du droit de chasse ne devait pas chasser, ajoute Me Charles Briand. Ou alors il était manchot. »
Si l’avocat se permet d’ironiser, c’est qu’il prétend en connaître un rayon en matière de lapins.
« Fils de paysan, j’ai grandi à la campagne. J’ai chassé à l’occasion. Et jamais, je dis bien jamais, je n’ai vu une telle prolifération de lapins.
Le sol était un vrai gruyère, truffé de terriers. Un paysage lunaire. »
Un éleveur de vaches s’émeut de ce voisinage envahissant.
Là où ses bovins paissent, les lapins s’éclatent. Ils dévorent la pâture des bovins avant même qu’elle ne repousse…
Pire, leurs terriers gagnent du terrain et mitent le plancher des vaches.
Au point que l’une d’elles va se casser une patte dans un trou. Blessure dont elle ne se remettra pas.
Direction l’équarrissage. L’éleveur, qui avait demandé plusieurs fois au chasseur qui loue le bois voisin de tirer avec davantage de conviction sur les lapins pour en limiter la prolifération, est furieux.
Coup de sangTout à sa colère, il prend les commandes d’un tractopelle un jour d’avril 2011.
À coups de godet, il ratiboise les terriers dans le bois du voisin.
Démolition efficace rapide et brutale. « Il reconnaît avoir pété les plombs, comme on dirait de nos jours », admet son avocat Me Briand.
Problème : le coup de sang lui vaut d’être convoqué devant le tribunal correctionnel. Jugé au pénal pour « destruction d’un bien appartenant à autrui ».
Le procureur requiert une amende contre lui.
On peut trouver ça amusant sur le papier, mais pas de quoi arracher un sourire à l’éleveur.
Son avocat a plongé dans l’intégrale de la revue du droit rural qui occupe un mur de son cabinet nantais. « Il n’y a pas de jurisprudence en la matière », sourit-il. Alors il est allé aux sources du droit.
Pour schématiser, on y dit que « le terrier naturel du lapin appartient à celui qui l’a creusé, c’est-à-dire à… Jeannot Lapin ».
Pas au propriétaire du terrain (qui ne s’est pas plaint).
Et donc pas davantage au locataire du droit de chasse qui, lui, a déposé plainte !
Selon la lecture de l’avocat, pour que ce chasseur obtienne gain de cause, il aurait fallu que les terriers soient « d’authentiques garennes ».
C’est-à-dire ? « Des terriers aménagés de main d’homme ».
« Dans ce cas, le lapin peut même perdre sa qualité d’animal sauvage, de res nullius (la chose de personne).
Il peut alors devenir la propriété de l’aménageur du terrier. »
Pour ceci, et pour d’autres raisons encore, l’éleveur au bout du compte, ou conte si l’on préfère, a été relaxé.